segunda-feira, 9 de maio de 2011

Sobre o Comércio da Poesia, e a Ilíada

La transmission de la fausse grandeur à travers les siècles n'est pas particulière à l'histoire. C'est une loi générale. Elle gouverne aussi par exemple les lettres et les arts. Il y a une certaine domination du talent littéraire sur les siècles qui répond à la domination du talent politique dans l'espace; ce sont des dominations de même nature, également temporelles, appartenant également au domaine de la matière et de la force, également basses. Aussi peuvent-elles être un object de marché et d'échange.

L' Arioste n'a pas rougi de dire à son maître le duc d'Este, au cours de son poème, quelque chose qui revient à ceci: Je suis en votre pouvoir pendant ma vie, et il dépend de vous que je sois riche ou pauvre. Mais votre nom est en mon pouvoir dans l'avenir, et il dépend de moi que dans trois cents ans on dise de vous du bien, du mal, ou rien. Nous avons intérêt à nous entender. Donnez-moi la faveur et la richesse et je ferai votre éloge.

Virgile avait bien trop le sens des convenances pour exposer publiquement un marché de cette nature. Mais en fait, c'est exactement le marché qui a eu lieu entre Auguste et lui. Ses vers sont souvent délicieux à lire, mais malgré cela, pour lui et ses pareils, il faudrait trouver un autre nom que celui de poète. La poésie ne se vend pas. Dieu serait injuste si l'Énéide, ayant été composée dans ces conditions, valait l'Iliade. Mais Dieu est juste, et l'Énéide est infiniment loin de cette égalité.

Simone Weil, L'Enracinement, p. 293-4
Gallimard, Paris: 1949.

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